Un million d’années avant notre pizza

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Si vous vous demandiez ce que vous préféreriez – être jeune et actif, ou beau et en bonne santé, la réponse sera probablement laconique : tout cela ! Parce que l’activité fait partie intégrante de la longévité, et que la santé est un élément essentiel de l’attractivité.

Mais, bien que cette affirmation soit incontestable, les choses se passent différemment dans notre vie moderne : des esthéticiennes s’occupent de notre beauté, des médecins traitent nos maladies, et des entraîneurs de fitness s’occupent de notre activité.

Il n’est pas si facile d’aborder notre santé de façon holistique : il faut du temps, de l’argent, et des installations. Cependant, il existe un autre moyen : trouver un professionnel qui travaille dans plusieurs domaines en même temps. Quelqu’un comme notre invité – Jean-Pierre Spinosa, chirurgien praticien, gynécologue, oncologue, et spécialiste en médecine anti-âge, dont la composante principale est la nutrition. A côté de cela, Jean-Pierre Spinosa est l’auteur de nombreux sujets scientifiques populaires et purement médicaux.

Nous prévoyons des entretiens réguliers avec le docteur Spinosa dans notre magazine. Voilà pourquoi nous avons décidé de commencer par des sujets aussi « élémentaires » qu’une alimentation saine.

Pour commencer, nous devons clarifier certains points : que signifient les termes « alimentation saine » ?

Il s’agit d’une alimentation correcte, saine, non toxique, et qui aide à maintenir la longévité. Et, évidemment, celle qui nous rend beaux. Au cours des longues années de ma pratique médicale, j’ai pris conscience de quelques points importants. Tout d’abord, il n’existe pas d’« aliments sains » universels qui fonctionnent pour tout le monde. Les esquimaux, qui vivent dans des igloos, auront un concept de la nourriture saine différent de celui, par exemple, des aborigènes d’Australie ou des indiens d’Amazonie. L’observation de groupes de population variés nous amène à une autre conclusion : il est plus important de savoir quels aliments éviter plutôt que quels aliments vous devriez manger. Je dis à mes patients ce qu’ils ne doivent PAS manger quand ils sont malades, et ce qu’ils devraient manger quand ils souffrent de telle ou telle maladie. Autre nuance importante : nous ne parlons pas ici de régime qui impliquerait au départ certaines restrictions. Nous parlons de manger sainement. Le type d’alimentation qui aide à réduire le risque de maladie et qui, dans la mesure du possible, retarde le vieillissement. Le « vieillissement » présuppose la « maladie » car toutes les maladies ont tendance à s’aggraver avec l’âge.

Voulez-vous dire qu’il est impossible de dire clairement quels aliments sont bons pour la santé et lesquels ne le sont pas ?

On ne peut pas regrouper efficacement les aliments en deux catégories, super-toxiques ou extra-sains. La santé et la qualité de vie dépendent d’un équilibre, ce qui est assez compliqué et délicat : il s’agit de l’équilibre du fonctionnement cellulaire et on doit le maintenir tout le temps. C’est comme la respiration : on ne peut pas arrêter de respirer aujourd’hui pour respirer un peu plus longtemps demain. Nous devons faire attention au fonctionnement de nos cellules, et leur fournir tout ce dont elles ont besoin pour continuer à fonctionner. Par exemple, les gens qui partent en vacances et se livrent à toutes sortes d’excès pour plus tard essayer de se rattraper ont, et c’est un euphémisme, vraiment tort.

Avec la vitesse de la vie moderne, maintenir un tel équilibre est un défi …

Le génome d’un homme de 2016 est pratiquement identique à celui de l’homme (homo habilis) d’il y a environ trois millions d’années. Il est, à son tour, le résultat de ce que l’humanité a accumulé au cours de trois millions d’années d’existence.

Et pendant toutes ces années, nous avons adapté notre génétique de manière à nous ajuster au monde qui nous entoure. Ainsi, les gènes humains qui contrôlent notre système digestif n’ont pas tellement changé. Afin de mieux le visualiser, trois millions d’années (par exemple) représentent 3’000 cm sur une règle imaginaire. Cela signifie que, de façon générale, pendant toute la durée de l’existence humaine, nous n’avons sérieusement changé notre alimentation qu’au cours des dix derniers centimètres. Mais il nous a fallu trente mètres de temps pour former notre héritage génétique !

Voulez-vous dire que les gens mangent beaucoup de viande depuis plus de trois millions d’années et se sentent bien ?

Non ! Je peux seulement dire que cette question – manger ou ne pas manger de viande – est un faux dilemme. Nous pouvons, en couvrant tous les continents, observer les populations qui ont la meilleure longévité et le meilleur état de santé, analyser leur santé, et voir que tout n’est pas si clair. Dans certains endroits du monde, le nombre de personnes âgées est plus élevé et leur santé est très bonne : il s’agit de certaines régions du Japon (les îles d’Okinawa, en premier lieu) et de la région méditerranéenne (la Crète). Si vous ne prenez pas ces observations comme un dogme, mais plutôt comme base de réflexion, alors la conclusion est claire : dans tous ces endroits, la viande n’a pas été exclue de leur alimentation. Les gens mangeaient plutôt des aliments équilibrés. Mais vous pouvez toujours identifier certains aliments qui ont été exclus ou dont la consommation a été limitée au minimum : il s’agit des céréales et des produits laitiers, du sucre raffiné et des haricots.

La conclusion à en tirer est claire : pendant des millions d’années, les gens ont dû manger ce qu’ils pouvaient, ce qui était disponible, les animaux qu’ils pouvaient capturer. Nous sommes les descendants de ceux qui ont pu s’adapter à ce type de nutrition, de ceux qui ont pu survivre dans la bataille de l’évolution.

Quel était le régime d’un homme de Neandertal ?

Au début, les gens mangeaient une nourriture simple : ils trouvaient de la nourriture là où ils pouvaient se la procurer. Il était plus facile de manger une plante saine que de courir après les chèvres ou les girafes. Malgré tout, ça restait dangereux. La viande, sous toutes ses formes, faisait partie de leur alimentation, mais elle ne dominait pas. Ainsi, les végétariens n’ont pas si tort après tout : une nourriture riche en légumes est absolument nécessaire à notre biologie. Mais les produits d’origine animale devraient également faire partie de notre alimentation.

Si vous comparez les anatomies, vous découvrirez que l’intestin humain ressemble plus à celui du carnivore qu’à celui de l’herbivore. Cela signifie que nous sommes omnivores. Donc, le diable est dans les proportions.

Est-ce la demande de l’évolution ?

Ce n’est pas tant la demande, mais plutôt une obligation. Un autre point important est qu’au cours de l’existence humaine, des façons de cuisiner des aliments qui n’existaient pas auparavant sont apparues. Par exemple, une façon de conserver la viande en la salant ou en la fumant. Les hommes modernes ne sont pas prêts à métaboliser et à digérer certaines substances formées à la suite de telles méthodes de conservation des aliments. Par conséquent, on peut s’attendre à ce que la surconsommation d’aliments fumés et marinés puisse entraîner une détérioration de la santé. Par exemple, au Japon, mais pas sur les îles d’Okinawa, on a constaté beaucoup de personnes atteintes de cancers. Cela peut simplement découler d’une consommation excessive d’aliments fumés et salés.

Les partisans du végétarisme mangent plus de pain, d’aliments de boulangerie et toutes sortes de flocons. Qu’en dites-vous ?

Le blé est un produit végétal. Si vous regardez sur quel segment des trois mètres de notre règle imaginaire on a commencé à utiliser des céréales, eh bien, cela n’a pu se produire que lorsque les gens ont commencé à mener une vie sédentaire. Il n’y a pas plus de trois mille ans ou pas plus de 3 cm sur notre règle. Je peux vous assurer que les problèmes de santé parmi les consommateurs réguliers de produits céréaliers sont également nombreux. Voilà donc un autre argument contre le végétarisme.

Si vous demandez aux gens s’ils boivent du lait le matin, les consommateurs de viande répondront très probablement par l’affirmative et ajouteront qu’ils ne se privent pas non plus de fromage. Mais savez-vous sur quelle période de temps notre corps a appris à s’adapter aux produits laitiers ? Il s’avère que c’est même plus récent que pour les céréales ! Je vous laisse juge : même si vous réussissiez à capturer un mammouth, mais le garder pour en traire du lait, c’était certainement bien plus difficile. Pour ce qui est de notre histoire, cela s’est produit quasiment hier. Naturellement, vous pouvez trouver un taux élevé de maladies graves dans les pays où les gens consomment beaucoup de fromage, de beurre et surtout de produits laitiers : par exemple, en Scandinavie et en Europe du Nord. Aux États-Unis, les gens mangent d’énormes quantités de crème glacée, de chocolat et de viande avec des sodas… Par conséquent, l’état de santé des Américains soulève de sérieuses préoccupations, et l’obésité, dont souffrent environ 50 % de la population, prend maintenant la forme d’une épidémie. Les maladies cardiovasculaires, le cancer et le diabète y sont également répandus. Et bien des d’études médicales sérieuses ont démontré un lien entre ces maladies et le type de nutrition.

Les choses vont un peu mieux en Italie qu’aux États-Unis. Cependant, ce pays rencontre des problèmes liés à la consommation d’énormes quantités de dérivés de céréales – pizzas, pâtes et pains, même si la carbonara est l’un des meilleurs plats et l’un des plus savoureux. Les boissons gazeuses sucrées sont très nocives pour la santé.

La nutrition idéale est une nutrition mixte avec prédominance de légumes mais pas seulement végétarienne et encore moins végétalienne. Certains aliments doivent être consommés en quantités limitées : il s’agit essentiellement des aliments à forte teneur en glucides, ainsi que du lait, des produits laitiers, du sel et de la plupart des huiles raffinées. Une approche sérieuse en conseil nutritionnel personnalisé n’est possible qu’avec une analyse de sang et un bilan nutritionnel.

Nous devrions probablement aborder séparément les méfaits des sucres rapides ?

Le sucre n’est pas qu’un seul produit. Le pain, le riz, les céréales, les flocons, les pommes de terre sont tous des sucres, également ! Le pire qu’un homme puisse faire est d’avoir une alimentation riche en glucides (ou produits contenant du sucre). Il existe des espèces de microbes qui se nourrissent presque exclusivement de sucres. Ainsi, par exemple, avec les lésions de la candidose, vous pouvez commencer par exclure le sucre de votre alimentation et les microbes mourront de faim !

Si nous revenons à notre règle et essayons de dresser une liste de tous les produits que les gens mangent, alors tous les produits nocifs et toxiques seront regroupés dans la dernière partie de la règle, et tous les produits sains seront répartis uniformément sur toute sa longueur. Ainsi, en utilisant cette « méthode de la règle », vous pouvez facilement vous guider à travers toutes les variétés d’offres gastronomiques du monde moderne.

Et trouver une vérité simple : la modération est la réponse…

Sans aucun doute, les extrémistes qui veulent exclure tous les produits d’origine animale de notre alimentation se trompent. Et la biologie explique pourquoi. La recherche a montré que l’exclusion de certaines substances de votre régime alimentaire provoque de graves problèmes de santé. Mais les gens qui mangent quantité d’aliments d’origine animale risquent aussi leur santé. Par conséquent, un régime alimentaire parfait devrait inclure à la fois des produits végétaux et animaux, mais surtout des légumes. Il s’agit d’une formule optimale, qui est à la fois correcte «vis- à-vis» de notre passé et, en même temps, va dans le sens de la recherche actuelle. Et c’est une chance maximale d’avoir un réel avantage en termes de longévité et de santé !

Merci pour cette histoire très intéressante et très éducative !

EXPAT : Le Dr Jean-Pierre Spinosa estime qu’il nous a donné une analyse assez sommaire d’un sujet qui est par ailleurs très vaste et comporte une multitude d’aspects et de nuances. Dans les prochains numéros de notre magazine, nous continuerons à vous familiariser, chers lecteurs, avec de nouvelles observations et recherches sur ce sujet.

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