Coronavirus hydroxychloroquine, Raoult La Provence méthodologiste et groupe contrôle

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Par Alexandra Ducamp

Le Pr Didier Raoult n'a pas mâché ses mots à l'encontre du Haut conseil de la santé.
Le Pr Didier Raoult n’a pas mâché ses mots à l’encontre du Haut conseil de la santé. PHOTO GEORGES ROBERT

Il n’a pas pris la peine de faire une vidéo sur Youtube. Maintenant que son service communication lui a ouvert un compte Twitter – 173 000 followers en quelques jours ! – le Pr Raoult balance en direct les résultats de ses études sur le net. Vendredi soir, un article soumis à publication – mais pas encore validé – à la revue médicale anglaise Emerging Infectious Diseases était en ligne.

Chez 80 patients hospitalisés recevant une combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine, nous avons constaté une amélioration clinique chez tous les patients, sauf un décédé, âgé de 86 ans, et un autre, âgé de 74 ans, toujours en unité de soins intensifs”, avance l’article. Qui met également en avant une chute de la charge virale “avec 83% négatifs au 7e jour, et 93% au 8e jour”. Les patients sont âgés de 18 à 88 ans : 54 % présentaient les premiers symptômes du Covid-19 : mal de gorge, nez qui coule, toux. 41 % étaient plus atteints, souffrant de bronchites ou pneumonies.

L’absence de groupe contrôle (ou groupe-témoin, c’est-à-dire des patients à qui on n’administre pas le traitement étudié) fait toujours autant bondir les méthodologistes. Lesquels n’accordent pas plus de crédit à ces résultats qu’aux précédents qui ne se basaient que sur 24 patients. “La seule chose intéressante, c’est la culture virologique négative, mais il ne faut pas crier victoire“, soupire un infectiologue.

La mise en culture du virus provenant d’échantillons respiratoires des patients, se révélant négatifs à 97,5 % au jour 5, appuie l’hypothèse de départ des équipes de l’IHU. “L’objectif thérapeutique premier est donc de traiter les personnes qui présentent des infections modérées ou graves à un stade suffisamment précoce pour éviter la progression vers un état grave et irréversible”, écrivent les chercheurs marseillais. Les scientifiques sceptiques avancent, quant à eux, le fait que ces résultats pourraient s’expliquer par la guérison naturelle des patients, puisque dans 80 % des cas – pour les formes modérées -, elle se produit au bout de quelques jours. “On meurt moins à Marseille qu’ailleurs, tempêtait sur LCI le professeur Éric Chabrière, est ce que c’est le traitement, est-ce que c’est le dépistage massif ? On n’a jamais parlé de traitement miraculeux, mais d’un traitement qui fait baisser de façon spectaculaire la charge virale”.

15 000 patients de l’AP-HM ont été dépistés à l’IHU Méditerranée Infection depuis le début de l’épidémie, un peu plus de 1 800 étaient positifs au Covid-19, 13 sont décédés. Actuellement, 870 bénéficient du traitement à l’hydroxychloroquine. La molécule a également été administrée, “faute de mieux” mais avec moins de publicité dans des services de réanimation parisiens.

“Les indications thérapeutiques sont décidées sur Facebook et Twitter”

Au-delà de la dimension à contre-courant des consignes nationales de la stratégie marseillaise et ses biais méthodologiques, c’est l’impact inédit sur l’ensemble de la recherche qu’on lui reproche. “Quelle que soit l’efficacité de ce médicament que j’espère, il induit une fracture dans la société qui me sidère, regrettait Gilbert Deray, chef service néphrologie à la Pitié Salpêtrière sur France 5. Les indications thérapeutiques ne sont plus décidées par des articles publiés par des revues avec des experts, mais sur Facebook et Twitter. Je suis sidéré que des personnalités puissent dire : c’est comme ça qu’il faut que vous soyez traité. C’est l’antithèse de la médecine”.

De nombreux élus LR de la région, qui ont pu bénéficier du traitement, ont donné une caisse de résonance sur la place publique à des débats qui se jouent d’ordinaire à huis clos entre experts. “Ils ne se rendent pas compte de l’impact, poursuit Gilbert Deraydénonçant un débat qui épuise tout le monde dans les équipes médicales” et qui entrave les essais randomisés mis en place sur plusieurs molécules. “Les études en cours qui visent à montrer l’efficacité du médicament sont freinées parce que les patients ne veulent plus y participer et préfèrent réclamer la chloroquine”, explique-t-il à l’instar de nombre de ses confrères, rappelant par exemple que la chloroquine est efficace in vitro sur le Chikungunya mais qu’elle aggrave les symptômes chez l’homme. “Pour 20 à 30 personnes que l’on aurait mis sous placebo, on en aurait sauvé des millions d’autres”.

“Les patients veulent leur Plaquenil”

Nous avons toutes les difficultés du monde à mener les essais cliniques rigoureux qui ont été commencés sur plusieurs molécules, car les patients veulent leur Plaquenil, confiait au Point Xavier Lescure infectiologue à l’hôpital Bichat à Paris. Cette communication débridée risque de ralentir l’inclusion de patients dans les essais cliniques de médicaments contre le Covid-19, car nous devons maintenant passer beaucoup de temps pour les réinformer”.

Face à “l’urgence sanitaire”, les équipes de l’IHU misent toujours sur un dépistage massif, et la bithérapie qu’elles ont initiée. Le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste“, répond Didier Raoult. À tort ou à raison, l’expérience phocéenne sera le groupe témoin quand il faudra faire l’exégèse de la stratégie nationale française face à l’épidémie.

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